PICASSO
Pablo (Pablo RUIZ y PICASSO dit)
Pablo, Diego,
Francisco de Paule, Juan, Nepomuceno, Crispin, Crispiano de la Santissima
Trinidad né le 25 octobre 1881 à 21h30 dans le quartier
de la Merced à Malaga.
Peintre, dessinateur, graveur, lithographe, sculpteur, céramiste.
Malaga 25 octobre 1881 - Mougins 8 avril 1973. En 1899, il fait la
connaissance du jeune poète Jaime Sabartès, qui deviendra
son fidèle ami. Ils fréquentent le cabaret Els Quatre
Gats, ouvert en 1897, le patron l’a ainsi dénommé
à l’instar du Chat Noir de Montmartre ; là ils
rencontrent les artistes catalans et les intellectuels. Premier séjour
à Paris, en octobre 1900, où il est venu avec Carlos
Casagemas. Paris, pour lui, c’est Montmartre le “quartier
auréolé du plus grand des prestiges”. Il habite
au 49, rue Gabrielle, dans l’atelier qu’a laissé
vacant Nonell. Pablo Ruiz fréquente surtout les espagnols à
cette époque, en particulier Casagemas et Pallares ; mais aussi
Jaime Sabartès, son ami et son secrétaire biographe.
Les deux amis se retrouvent à Montmartre au printemps 1901,
second séjour de Pablo, et visitent les musées. Sabartès
posa pour le “Bock” à la terrasse d’un café,
toile achetée par le collectionneur russe Stchoukine. Atelier
au 130, boulevard de Clichy, en fait une petite chambre où
il vit, peint, mange et dort.
La période bleue.
En juin 1901, Picasso expose chez Ambroise Vollard plus de soixante
œuvres, nus et tauromachies. Un jeune homme est alors arrivé
dans la galerie, plutôt élégant, la mise râpée,
le haut-de-forme de belle allure, les chaussures éculées,
le visage noble. Max Jacob et Picasso se reconnaissent et nouent à
cet instant une longue amitié. Max reçoit dans sa petite
chambre à l’hôtel du Poirier, place Ravignan un
groupe d’amis qui fréquente les cabarets de Montmartre,
non pas le Chat Noir, comme il est dit quelquefois, car il est fermé
depuis 1896, mais le Lapin Agile et lorsque l’on peut, le Moulin-Rouge.
Le plus souvent on se retrouve au Zut, place J.B. Clément,
tenu par Frédé, c’est le moins cher des estaminets.
Aller-retour à Barcelone, Pablo revient rapidement à
Paris. Durant l’hiver 1902-1903, Pablo Picasso partage une chambre,
boulevard Voltaire, avec Max Jacob, ce dernier occupant le lit la
nuit, et Pablo la journée. On dit qu’ils partageaient
aussi le haut-de-forme.
Devant l’échec de ses diverses tentatives, découragé,
il repart en Espagne en 1903. C’est l’époque de
la période bleue, couleur de la misère et reflet de
son état d’esprit. Picasso prend ses sujet parmi les
mendiants, les gitanes, il se représente en peintre maudit,
presque en bandit espagnol. Il a toujours nié avoir été
influencé par Lautrec, bien qu’il ait souvent traité
les mêmes sujets à cette époque. Le tableau du
“Bal du Moulin de la Galette”, conservé au Guggenheim
Museum de New York, présente bien des similitudes avec celui
de Lautrec. Cependant ce dernier peint les caractères alors
que Picasso rapporte son sujet à une vision neuve de l’espace
pictural.
La période
rose
Au printemps 1904, son ami, le céramiste Paco Durrio, lui cède
son atelier au Bateau-Lavoir, et lui-même va s’installer
au fond de l’impasse Girardon. En cette année, il rencontre
Fernande Olivier près de l’unique point d’eau du
Bateau-Lavoir et lui offre un petit chat mouillé. Ils se mettent
en ménage en 1905, c’est l’amorce d’une période
heureuse, la période rose. L’atelier est plein, à
l’époque de leur rencontre, de toiles de la période
bleue ; meublé d’un sommier, d’un petit poêle
de fonte rouillé, une malle noire sert de siège au côté
d’une chaise de paille ; l’endroit est encombré
de chevalets, de toiles, de tubes de peinture, de pinceaux et de récipients
à essence, “une souris blanche vit dans le tiroir de
la table” (d’après Fernande Olivier). Pablo travaille
à ce moment là à une eau-forte “le Repas
frugal”. Il peint la nuit à la lueur d’une lampe
à pétrole, et lorsqu’il n’y a plus de pétrole
à la lueur d’une bougie.
De nos jours, il est difficile de s’imaginer l’inconfort
de la quinzaine “d’ateliers” du Bateau-Lavoir. Cette
bâtisse en bois, torride l’été, glaciale
l’hiver, sans isolation phonique, avec un seul point d’eau
souvent gelé en hiver, offre à chaque artiste une seule
pièce. Là on travaille, on vit, on reçoit, on
dort et on mange, on se lave dans un tub. La question n’a jamais
été abordée, mais on ne sait pas encore aujourd’hui
où se trouvaient les “lieux d’aisance”. De
plus, la misère est si grande que l’on ne mange pas toujours
à sa faim. Ce phalanstère, ou plutôt ce village,
par les conditions très dures qu’il impose implique pour
tous une forte solidarité. Lorsque un artiste vend un tableau,
il fait manger les autres. Lorsque Barnes arrive de Philadelphie,
c’est la fête dans les ateliers.
Pablo qui deviendra Picasso ne paye pas de mine avec ses espadrilles,
sa vieille casquette sur le chef, le pantalon et la veste de toile
bleue des ouvriers zingueurs, seuls ses yeux au regard étrange,
presque inquiétant retiennent l’attention.
L’atelier est fréquenté par les Espagnols, mais
aussi par Harry Baur (“El Cabo”), Alfred Jarry, André
Warnod, André Salmon, Pierre Mac Orlan, Charles Dullin, Max
Jacob, Apollinaire et sa muse Marie Laurencin qui sait préparer
le potage aux macaronis, sur une recette de Grimod de la Reynière.
Au Bateau-Lavoir, on fait bombance à chaque fois que l’un
d’entre eux vend une ou des toiles, et alors Fernande prépare
le riz à la Valenciana, en fait une sorte de paella. Les agapes
se tiennent également, le plus souvent à crédit,
chez la Mère Adèle rue Norvins, chez Vernin rue Cavallotti,
chez Azan rue Ravignan, chez Bouscarat, place du Tertre. Souvent aussi
au Lapin Agile, un des moins chers, là on peut payer avec un
tableau. C’est pour cette raison qu’a été
longtemps accroché chez Frédé le fameux “Arlequin”
de Picasso, qui a pulvérisé les records d’adjudication
en vente publique à New York, durant la folle envolée
des prix de la fin des années 80.
Le premier cercle des amis de Picasso est composé de Paco Durrio,
Canals, Manolo et Max Jacob ; ce sont eux qui tentent de vendre les
dessins, le peintre étant incapable de discuter les prix, et
de plus réticent à vendre ses toiles, entassées
dans l’atelier. Cependant Léo et Gertrude Stein lui en
achètent en 1905. L’année suivante Vollard acquiert
une grande partie des œuvres de la période rose; Pablo
et Fernande vont en Espagne, à Gosol.
Les Demoiselles d’Avignon, 1907.
Picasso en 1907 entre dans la galerie que Kahnweiler vient d’ouvrir
au 28, rue Vignon et regarde les toiles fauves exposées ; il
revient le lendemain avec Vollard, mais c’est au Bateau-Lavoir
qu’ils font connaissance et beaucoup plus tard qu’il devient
son marchand. Grâce aux marchands et grâce aux amateurs,
les russes Stchoukine et Morosov, Olivier Saincene conseiller d’état,
Wilhem Uhde qu’il connaît au Lapin Agile, les Stein, la
vie devient plus facile et Picasso a enfin de l’argent.
La même année en juillet, Picasso visite le Musée
de l’Homme au Trocadéro, et en ressort bouleversé
par la découverte des masques et sculptures nègres.
Il pressent un nouveau langage plastique, basé sur le naturel
et la magie, la simplicité des formes, qui restitue des sensations
inexprimables et qui ne reconstitue pas la nature comme l’art
traditionnel.
C’est dans une solitude totale que Picasso, après des
centaines d’études au dessin, brosse la toile du scandale,
immense et incompréhensible, même pour le cercle des
peintres amis, Matisse et Braque, et des poètes Max Jacob et
Apollinaire. Seul peut-être Kahnweiler a la prescience de son
importance.
“Les Demoiselles d’Avignon”, aujourd’hui au
Musée d’Art Moderne de New York, resta longtemps face
au mur, dans l’atelier du Bateau-Lavoir. C’est pourtant
le tableau le plus important du XXe siècle un tournant définitif
de l’art moderne.
Le Cubisme
Au Salon d’Automne de 1908, Braque envoie plusieurs paysages,
composés dit Matisse, membre du jury, “de petits cubes”.
Deux tableaux sont refusés, Braque décide de tous les
retirer. Le contraste avec le Fauvisme finissant est net, les couleurs
sont sourdes, les formes géométriques ; au même
moment Picasso va dans le même sens. Les deux artistes, grands
admirateurs de Cézanne dont ils viennent de voir l’exposition
hommage du Salon d’Automne de 1907, se rapprochent. Ils vont
être les deux seuls créateurs du Cubisme, dans une sorte
de tête-à-tête magique. Picasso se rend à
Horta et en ramène des paysages géométriques
que Vollard va exposer. Le public boude mais les amateurs achètent.
L’aisance est venue pour Picasso et Fernande qui quittent le
Bateau-Lavoir en septembre 1909, pour s’installer dans un grand
atelier au 11, boulevard de Clichy. L’été 1910,
ils vont à Céret, dans les Pyrénées, retrouver
leurs amis artistes et poètes. Trois ans de suite ils retournent
à Céret, et le dernier été voit la séparation
de Pablo et de Fernande, Eva prend place dans la vie du peintre.
C’est en 1912 que Picasso utilise les collages découpés
dans des papiers peints et des journaux, les couleurs reviennent ;
il communique cette nouvelle passion à son complice Braque.
L’osmose est telle que les dernières œuvres cubistes
des deux artistes se confondent à tel point qu’il est
parfois presque impossible de les distinguer l’une de l’autre.
L’œuvre graphique
C’est Ricardo Canals qui incite Picasso à se consacrer
à la taille douce ; à partir de 1904, et jusqu’en
1971, il réalise plus de deux mille estampes, gravures sur
cuivre, lithographies, linoléums. Ce n’est qu’en
1904, date de son installation au Bateau-Lavoir, que débute
son œuvre gravée avec “le Repas frugal” (1904),
“Tête de femme”, “les Pauvres” et la
série des Saltimbanques (1905). A partir de 1909, période
des gravures cubistes, jusqu’en 1915. Les premières gravures
sont tirées sur les presses d’Eugène Delâtre.
En 1932, il revient sur la Butte, chez Roger Lacourière, qui
l’initie à de nouvelles techniques. C’est de cet
atelier que sort la fameuse suite Vollard, 100 gravures tirées
en 1939, à 3 épreuves sur parchemin, puis sur vergé
de Montval à 50 épreuves sur petit papier et 250 sur
grand papier. Il continue sa collaboration avec l’atelier de
gravure de la rue Foyatier. De là sortent douze livres illustrés
dont le Buffon, Gongora, Corps Perdu (Césaire), et Tauromaquia
de Pepe Illio, parmi les 154 livres qu’il illustre.
Départ de Montmartre
En automne 1912, Picasso et Eva emménagent rue Schœlcher,
en plein cœur de Montparnasse, ils y restent jusqu’en 1915,
à la mort d’Eva. Picasso va ensuite à Montrouge
et plus tard, rue La Boétie.
Lorsque Picasso quitte Montmartre, après les périodes
bleues et roses et le Cubisme, il laisse derrière lui la partie
la plus créatrice de son œuvre. Il n’est pas question
ici de porter un jugement sur ce qui va suivre. L’œuvre
est immense dans tous ses aspects. Cependant Picasso ne sera jamais
aussi grand qu’il ne l’aura été durant ces
douze années passées sur la Butte.
On a aujourd’hui tendance à présenter Guernica
comme une œuvre aussi importante, voire plus que les Demoiselles
d’Avignon. Or si le tableau de 1907 est un geste pictural, qui
est un tournant définitif dans l’histoire de l’art
pictural, celui de 1937 est un geste politique et surtout un mouvement
de révolte que l’on peut apparenter à celui du
Goya des Horreurs de la guerre.