Lucie (Utrillo) Valore


VALORE Lucie (Lucie VAUD, veuve Pauwels, dite)

La femme et la veuve de Maurice Utrillo était aussi un peintre de fleurs.

Le fait est assez curieux pour être noté, mais il est vrai qu’à compter d’une certaine date les amateurs des œuvres d’Utrillo se sont cru obligés d’acheter celles de Lucie. La vie de celle qui se fit appeler l’Impératrice de Montmartre, mérite d’être contée, même en raccourci.

Nourrie d’ambitions démesurées, la jeune Lucie, née à Angoulême dans la partie basse de la ville, donc du mauvais côté, devint très jeune servante dans un bistrot qui nourrissait quelques célibataires, dont un sculpteur chargé de restaurer la façade d’une chapelle classée, fort opportunément située en face de l’hôtel-café-restaurant en question.

La jeune oiselle fut enlevée, mariée et engrossée par l’artiste quinquagénaire. C’est ainsi qu’elle put connaître Montmartre.

Le fruit de ces amours légitimes placé en nourrice, Lucie devenue apprentie actrice chez Paul Mounet, finit par divorcer d’un mari certes âgé mais fort coureur.

Mounet organisait des tournées en province et chez les francophones voisins, une opportune appendicite cloua la vedette à Paris ; c’est ainsi que Lucie eut sa chance. La tradition ou la routine voulait que la tournée se terminât au Théâtre du Parc à Bruxelles. Succédant à la énième représentation du Mariage de Mlle Beulemans, Mounet présentait une pièce de “Boulevard”, et la ravissante Lucie devint Rosine. Un admirateur assista à toutes les représentations, la couvrit de cadeaux, et finit par la décider à se faire engager par le théâtre bruxellois. Mais la belle rusée ne céda point.

Il n’est pas sans intérêt d’éclairer nos lecteurs sur la personnalité du soupirant. Robert Pauwels, à la fois banquier et “opérateur” en sous-main du roi Léopold 1er pour ses affaires au Congo, n’en était pas moins galant homme et homme de goût. Il avait de qui tenir, son grand-père ayant soutenu Delacroix et d’autres artistes moins illustres, son père suivait la tradition, lui-même commandait aux peintres et sculpteurs de quoi meubler parcs et maisons qu’il possédait là où il fallait posséder. Le grand-père ayant encouragé les débuts d’Eiffel et ceux de Fernand Crommelynck, c’est comme cela que nous avons appris que l’immortel créateur du “Cocu Magnifique” passa le plus clair de sa vie au 25, rue du Mont Cenis, avant d’aller s’éteindre à Saint-Germain-en-Laye.

Revenons à Lucie qui finit par se faire épouser par le riche banquier.

La suite de l’histoire est plus connue, veuve elle devint la seule femme qu’ait eu Maurice Utrillo en 1935; aussitôt après le mariage ils s’établirent à Angoulême, sans doute éprouvait-elle le besoin de revenir dans la ville qui l’avait vue pauvre et servante. Elle soigna Maurice et lui assura vingt ans de bonheur et de quiétude dans la villa du Vésinet recevant, après les deniers du banquier, les miettes de la gloire de l’artiste vieillissant et dévot.


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