GEN PAUL (1895-1975)
Contact: André Roussard - e-mail: roussard@noos.fr - téléphone (33.1) 46.06.30.46
HUILES oils |
GOUACHES |
DESSINS drawings |
LITHOGRAPHIES lithographs |
GRAVURES etchings |
MÉDAILLE medal |
AFFICHES posters |
LIVRES books |
LES GRAVURES... Retour ....
Montmartre, Le Lapin Agile de Nuit
Gravure à l'aquatinte. Circa 1918 - 1922
Prix: sur demande par téléphone (33.1) 46.06.30.46Le LAPIN AGILE
C'est sans doute depuis 1860 qu'existe le curieux petit bâtiment qui abrite le Lapin Agile, c'était à cette époque une sorte de caboulot à l'enseigne de Ma Campagne, perdu dans une végétation plutôt sauvage où la clientèle était rare. Il était tenu par un certain M. Salz, sous-chef de bureau à la Mairie du IXe, sa femme faisait la cuisine.
Afin d'attirer le client Salz changea l'enseigne en Cabaret des Assassins après avoir acquis un tableau rappelant la sanglante affaire Troppmann qui défraya la chronique ; il avait assassiné à Pantin une femme enceinte, ses cinq enfants et son mari ; il fut condamné à mort le 31 décembre 1869. Le Petit Journal tira à plus de 100.000 ex. et organisa un banquet pour fêter l'événement. Ce tableau fut racheté par Courteline qui était un fervent client du Lapin ; sa veuve en fit don plus tard au Musée de Montmartre, le 27 juin 1935.
Les réserves du Musée Carnavalet conservent un dessin à la mine de plomb de Gérôme ; un jour, au Palais de Justice, un juge d'instruction lui proposa de faire le portrait d'après nature d'un prévenu qu'il allait interroger ; c'était un homme au visage glabre avec un fort accent allemand. Et le peintre emporta chez lui le portrait d'un serial killer, le fameux Troppmann.
Jules Jouy a crée le 5 septembre 1883 un dîner hebdomadaire, la Soupe et le Bœuf, où se retrouvaient les artistes ; plus tard ils se réunirent chez Doremus. Georges Clemenceau, alors médecin rue Capron puis rue des Trois Frères, venait parfois dîner au Lapin.
L'affaire fut reprise par la mère Adèle, vers 1886 et ce jusqu'en 1902 environ, année où elle ouvrit un restaurant rue Norvins portant son nom, devenu de nos jours le Vieux Chalet.
Ensuite Berthe exploita l'établissement avant de se marier avec Frédéric Gérard, dit Frédé. En 1905, Bruant acheta les murs du cabaret afin d'éviter sa destruction lors de l'aménagement et du nivellement de la rue Saint-Vincent ; à ce propos, cette rue doit son appellation non au saint patron des vignerons mais au propriétaire des terrains alentour, un certain Vincent Compoint, une autre rue de Montmartre porte son nom. Bruant ne s'est jamais produit au Lapin, mais l'avait loué à Berthe ; il eut par la suite quelques soucis d'argent avec Frédé. Paulo, fils de Frédé né en 1895, après une guerre brillante qu'il finit avec le grade de capitaine, sanctionnée par des citations et une croix de guerre, fut de retour sur la Butte en 1915. Aristide Bruant, qui avait perdu son fils au front, le prit en amitié et lui donna des cours de chansons. Paulo travaillait au Lapin avec son père. Plus tard Aristide Bruant proposa de lui vendre les murs du Lapin à crédit, ce qu'il fit ; Paulo, ayant ponctuellement réglé les mensualités, devint le propriétaire de son père. Cependant la licence était toujours au nom de Berthe et ce n'est que dix ans plus tard, vers 1935, qu'elle consentit à la céder à Paulo, sous l'amicale pression de Pierre Mac Orlan marié avec Marguerite Luc dite Margot, la belle-fille de Frédé. Ce qui fait que malgré ce qui est écrit partout Frédé ne fut jamais le propriétaire du Lapin. Entre-temps une élégante chanteuse, Yvonne Darle, était venue se produire dans le cabaret, elle y était restée et se maria avec Paulo ; elle avait déjà un fils, Yves Mathieu, l'actuel propriétaire.
C'est vers 1880 que le peintre André Gill réalisa une pochade, reproduite ensuite par Osterling, qui devint l'enseigne du Lapin. On y voyait un lapin coiffé d'une casquette de voyou un litre de vin rouge à la main bondir d'une poêle ; d'où le Lapin à Gill qui devint naturellement le Lapin Agile. Par contre la légende de Tabarant offrant l'enseigne peinte à Frédé est d'autant plus fausse que celle-ci était déjà accrochée au temps de la mère Adèle. On dit aussi que le peintre Georges Delaw initia le livre de bord (livre d'or) du Lapin. Le Lapin était le lieu de rendez-vous de la bohème au début du XXe siècle mais n'y entrait pas qui veut, il fallait être présenté et faire ses preuves d'artiste, c'était en quelque sorte le Jockey Club de la misère mais aussi de l'espoir. Tous se voyaient un jour en haut de l'affiche.
Le sculpteur anglais Léon John Wasley, qui avait son atelier au Bateau-Lavoir et ensuite non loin du château des Brouillards, apporta le jour de Noël 1900 un grand Christ en plâtre qu'on accrocha au mur du cabaret ; il y est encore de nos jours. C'est le long des jambes de ce Christ que, vers 1905, Frédé punaisa sur le mur une grande toile de Picasso montrant Frédé, Laure Pichot au centre et à droite le peintre habillé en arlequin. Sept ans plus tard, sur l'insistance d'un maître de ballet suédois, Frédé ayant besoin d'argent lui vendit le tableau pour une somme ridicule. Cette toile, connue sous le titre Au Lapin agile, fut vendue aux enchères, à New York, près de 41 millions de dollars à la fin des années 80. Yvonne Darle racontait l'anecdote sans amertume.
Avant d'animer le Lapin, Frédé dirigeait le cabaret du Zut, sur la future place Jean-Baptiste Clément. L'endroit était dangereux, mal famé, les bagarres étaient fréquentes. La recette ne suffisant pas à le nourrir Frédé vendait, en dilettante, de la marée, en jouant de la clarinette derrière son âne chargé de hottes de poissons. L’endroit avait été décoré par Picasso de nus au trait, bleus, et d’un portrait géant de Sabartès. Pichot sur un autre mur avait dessiné une tour Eiffel survolée par le dirigeable de Santos-Dumont. Frédé, avec sa longue barbe blanche et son chapeau, chantait en s’accompagnant d’une guitare, toujours accompagné de son âne Lolo qui est passé à la postérité sous le nom de Boronali et qui à la fin de sa vie fut exilé dans la propriété de Pierre Mac Orlan à Saint-Cyr-sur-Morin. Là, coupé de son Montmartre, il devint neurasthénique et mourut noyé dans le ruisseau qui bordait la propriété ; on dit qu’il se serait suicidé.
En 1938, les artistes qui se produisaient au Lapin étaient Yvonne Darle, compagne de Paulo, le poète berrichon Jacques Martel et le jeune Louis Bory, artiste découvert par Horace Hurm. On y vit aussi Stello, cabaretier qui en fut l'animateur, Alathene, Toziny et, après la guerre, Jean-Roger Caussimon, Claude Nougaro, Ida Presti et Alexandre Lagoya, Martial Carré, Berthomieu le compositeur.
De nos jours, Yves et Maria Mathieu maintiennent la tradition de la chanson française, du cabaret de la Butte dans un décor inchangé depuis l'an 1900, avec cette atmosphère inimitable et mystérieuse qui le caractérise ; c'était le lieu de réunion de la nouvelle bohème au début de siècle et les murs semblent imprégnés de toute l'histoire du Montmartre moderne.
Yves Mathieu prépare un livre que beaucoup attendent, composé de documents inédits ou pas, puisés dans ses archives. Malgré le décès prématuré de Louis Nucéra, en l’an 2000, l’ouvrage intitulé Les Contes du Lapin qu’il avait commencé à écrire, sera édité.Texte issu du Dictionnaire des Lieux à Montmartre © Éditions Roussard
© Éditions André Roussard - Galerie ROUSSARD
13, Rue du Mont Cenis 75018 Paris Tél. 01 46 06 30 46 Fax. 01 42 52 38 00 Ouvert TLJ de 11h00 à 19h00
http://www.roussard.com | e-mail: roussard@noos.fr